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Qu'est ce que la cantharidine ?
La cantharidine, isolée pour la première fois par le pharmacien français Robiquet en 1810, joue un rôle important dans l'écologie de plusieurs types d'insectes qui l'utilisent comme moyen de défense afin de préserver leurs oeufs des prédateurs [1]. Dès l'antiquité, donc bien avant qu'on connaisse la structure du principe actif, les mouches espagnoles séchées avaient la réputation d'avoir des vertus aphrodisiaques [27]. En réalité, les propriétés supposées de la cantharidine ne sont attestées ni par la théorie ni par l'expérience. En revanche, il s'agit d'une substance dangereuse dont la toxicité est comparable à celle des poisons les plus violents comme la strychnine.
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Molécule de cantharidine
A la température ordinaire, la cantharidine se présente comme un composé incolore, inodore, de formule brute C10H12O4, fondant à 218 °C.
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Zoom :
Fonction anhydride :
Fonction époxyde :
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Biosynthèse
Chez les insectes, la cantharidine est produite par l'adulte mâle et transférée aux femelles durant la copulation. Le mécanisme complet de sa biosynthèse n'est pas complètement élucidé à l'heure actuelle. Cependant, il n'est pas douteux que celui-ci fait intervenir une série de réactions impliquant comme substrat de départ un alcool terpénique : le farnésol. Une preuve en a été apportée par une technique de spectrométrie de masse utilisant les isotopes 14C, 3H, 18O [9].
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Le farnésol ou (E, E)-3, 7, 11-triméthyldodéca-2, 6, 10-triène-1-ol est un alcool sesquiterpénique. C'est un intermédiaire dans la biosynthèse des polyisoprénoïdes.![]() Le farnésol est assez abondant à l'état naturel. On le trouve dans de nombreuses essences comme celle d'Ylang-ylang.
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Le schéma ci-dessous montre le schéma des réactions de coupure, et d'insertion d'oxygène sur une conformation repliée de la molécule de farnésol [20].
Mode d'action
Le mode d'action de la cantharidine fait intervenir l'inhibition de la protéinephosphatase 2A (PP2A), une enzyme intervenant dans le métabolisme du glycogène [23].
Tentatives initiales de synthèses de la cantharidine
La première tentative de synthèse de la cantharidine est à mettre à l'actif du chimiste allemand von Bruchhausen [2]. Elle se fondait sur l'analyse rétrosynthétique suivante.Une étude plus approfondie montre que l'instabilité du produit trouve son origine dans la répulsion entre les groupes méthyle portés par C2 et C3 et les atomes d'hydrogène portés par C5 et C6 (le recouvrement des sphères de Van der Waals est visible sur le modèle moléculaire de la molécule dans la représentation "spacefill").
Synthèses de la cantharidine
Synthèse de Stork
La première synthèse effective de la cantharidine a été effectuée en 1951 par le chimiste américain d'origine belge G. Stork [4] et [5]. La synthèse de Stork est complètement linéaire et ne fait intervenir que des réactions classiques. Elle est emblématique des synthèses
totales de produits naturels datant de cette époque.
Synthèse de Schenk
La synthèse de Schenk utilise aussi une réaction de Diels-Alder comme point de départ. Mais le système ponté qui introduisait des interactions sévères avec les groupes méthyles dans la synthèse de Von Bruchausen, n'existe pas ici ce qui permet à l'équilibre
d'être favorable à l'adduit [6].
Un système diénique est préparé grâce à une addition de Br2 sur la double liaison éthylénique suivie d'une double élimination sous l'action du DBU.
Le sigle DBU désigne le 1,8-diazabicyclo[5.4.0]undéc-7-ène. Il s'agit d'une base encombrée permettant de promouvoir des
éliminations.
La première étape clé de la synthèse est la cycloaddition [4+2] de l'oxygène singulet synthétisé photochimiquement.
Synthèse de Dauben
Dauben est un chimiste américain de l'Université de Berkeley qui a réalisé de nombreuses synthèses en utilisant des pressions élevées. La réaction de Diels-Alder est ici rendue possible par l'utilisation
d'une pression de 15 kbar. Cela permet d'effectuer la synthèse de la cantharidine en seulement deux étapes [7], [8].
Références bibliographiques
[1] Robiquet. M. Ann. Chim. 1810, 76, 302-307.
[2] von Bruchhausen, F.; Bersch, II. W. Arch. Pharm. Ber. Disch. Phurm. Ges. 1928, 266, 697-702.
[3] Diels. O.; Alder, K. Ber. 1929, 62, 554-562.
[4] Stork, G.; and al.J. Am. Chem. Soc. 1951, 73, 4501.
[5] Stork, G.; van Tamelen, E. E.; Friedman, L. I.; Burgstahler, A. W. J. Am. Chem. Soc. 1953, 75, 384.
[6] Schenck, G.; Wirtz, R. Naturwissenshaften 1953, 40, 531.
[7] Dauben, W. G.; Kessel, C. R.; Takemura, K. H. J. Am. Chem. Soc. 1980, 102, 6893-6894.
[8] Dauben, W. G.; Krabbenhoft, II. O. J. Am. Chem. Soc. 1976, 98, 1992-1993.
[9] McCormick, J. P.; Carrel, J. E.; Doom, J. P. J. Am. Chem. Soc. 1986, 108, 8071-8074.
[10] Sierra, J. R.; Woggon, W. D.; Schmid, H. Experientia 1976, 32, 142-144.
Liens
[20] Ecology and Biosynthesis of Cantharidin and Palasonin
[21] O. Diels and K. Alder the Nobel Prize in Chemistry 1950
[22] Oxygen inorganic photochemistry
[23] Design and synthesis of selective phosphatase inhibitors
[24] Cantharidin : A Historical Overview and Synthetic Approach
[25] How does cantharidine work and what is it used for
[26] The British Pharmaceutical Codex, Cantharis B. P.
[27] Aphrodisiacs their biological basis
[28] Blister beetle intoxication
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Gérard Dupuis Lycée Faidherbe LILLE
décembre 2003