Cours de chimie Organique - G. Dupuis - Lycée Faidherbe de Lille
Aldéhydes & Cétones
Généralités
Définitions
Du fait de leur importance, les principales propriétés physiques, et chimiques des a-énones sont étudiées dans un chapitre particulier de la page consacrée aux systèmes conjugués.
Etat naturel
La civétone est une cétone à grand cycle présente à l'état naturel dans les glandes odoriférantes de la Civette ou chat musqué d'Afrique. Sa structure a été déterminée par le chimiste suisse d'origine croate L. S. Ruzicka en 1926 (prix Nobel 1939). Au cours de cette étude, Ruzicka mit au point une méthode de synthèse des cétones à grand cycle par chauffage de sels de thorium de diacides carboxyliques, une variante de la réaction de Piria. La synthèse totale de la civétone a été réalisée par M. Stoll en 1948. D'autres cétones à grands cycles sont utilisées en parfumerie comme la cyclopentadécanone (exaltone) ou musc artificiel |
Plusieurs méthodes de synthèses de cétones à grands cycles ont été mises au point. En voici deux :
Le camphrier est un arbre appartenant à la famille des lauracées originaire du Japon et de Chine. Cet arbre, dont la hauteur peut atteindre plus de 40 m, a une longévité de plusieurs centaines d'années. Les feuilles du camphrier (image de gauche) rappellent celles du laurier. Le camphre naturel (Cinnamomum Camphora) est extrait de l'huile du bois de camphrier. Il est utilisé en médecine comme révulsif et tonicardiaque. La formule brute du camphre a été établie par J. B. Dumas en 1831. Sa synthèse a été effectuée par Komppa en 1903. L'étape clef est une condensation de Claisen |
Le camphre naturel est le (+)(1R, 4R)-triméthyl-1,7,7-bicyclo [2, 2, 1] heptan-2-one. La molécule possède deux atomes de carbone asymétriques. |
Bien qu'on puisse prévoir un maximum de 4 stéréoisomères, certaines configurations sont géométriquement impossibles en raison de la rigidité du système bicyclique. Il existe seulement deux énantiomères. Le camphre naturel (pouvoir rotatoire spécifique : [a]D = 44,26 °.g-1.cm3.dm-1), est utilisé comme point de départ pour la synthèse d'auxiliaires chiraux [75].
Notons que la structure du camphre naturel a été parfois décrite de façon incorrecte dans la littérature [78].
Carbonylés importants
Le méthanal est préparé par oxydation du méthanol.
Il est utilisé notamment dans la synthèse de la bakélite. |
L'éthanal préparé actuellement par oxydation de l'éthène grâce au procédé Wacker.
Un ancien procédé consistait à hydrater l'éthyne (acétylène). |
La propanone est préparée à partir du propène par le procédé Wacker. C'est aussi un sous-produit de la synthèse du phénol par le procédé Hock dont le bilan revient à oxyder le cumène par l'oxygène de l'air. |
La cyclohexanone est préparée par oxydation du cyclohexanol. Elle est utilisée comme
solvant. Son oxime permet la synthèse du caprolactame, matière première de la synthèse du Nylon 6 obtenu à la suite d'une transposition de Beckmann.
|
Plusieurs composés carbonylés sont utilisés comme composants de parfums. Le célèbre parfum N° 5 de la maison Chanel doit sa note de tête caractéristique à la présence d'un aldéhyde dont la chaîne la plus longue comporte 11 atomes de carbone : le 1-méthylundécanal [66].
Nomenclature
On distingue les séries acyclique et cyclique.
|
|
hexanal |
3-méthylpentanal |
|
|
hexanedial |
but-3-énal |
|
|
cyclohexanecarbaldéhyde |
3-hydroxybenzaldéhyde |
Cétones pentan-2-one 4-bromopentan-2-one Dans le cas où le groupe carbonyle n'appartient pas à la chaîne principale. Le substituant H3C-CO- est désigné par acétyle. pentane-2, 4-dione 3-acétyl-4-méthylhexane-2, 5-dione cyclohexanone 2-méthylcyclohexanone Le nom peut être formé en nomenclature radico-fonctionnelle par assemblage. On utilise l'ordre alphabétique
pour énoncer les groupes qui sont précédés éventuellement de di, tri etc.
méthylpropylcétone diphénylcétone 3-formylpropanenitrile acide 2-méthyl-4-oxopentanoïque Propriétés physiques Molécule HCHO CH3CHO CH3COCH3 p (D) 2,27 2,73 2,84 Liaison C-C C-O C=C C=O D (kJ.mol-1) 347 360 610 740 Températures de changement d'état Composé TF (°C) TE (°C) d HCHO - 118 19 - CH3CHO - 123 21 0,79 CH3CH2CHO - 81 48 0,80 CH3COCH3 - 95 56 0,79 Les températures de changement d'état sont plus élevées que pour les alcanes mais moins élevées que pour les alcools de même masse molaire.
Elle traduisent une association des molécules par des forces de type dipôle-dipôle.
Structure électronique du groupe carbonyle Méthode des orbitales moléculaires Nous donnons ci-dessous un diagramme qualitatif des orbitales moléculaires pour une molécule de méthanal. Les orbitales moléculaires des autres composés carbonylés peuvent être obtenues par la méthode des perturbations. Les expériences de diffraction montrent que les atomes de carbone, d'oxygène et d'hydrogène sont situés dans un même plan. La molécule
présente deux plans de symétrie :
Comme dans le cas précédent, on distingue les séries cyclique et acyclique.
Le groupe carbonyle peut être décrit par deux méthodes qui sont souvent utilisées conjointement et qui se complètent de façon utile. La méthode des orbitales moléculaires et celle, plus fruste, de la mésomérie.
Les orbitales atomiques impliquées peuvent être classées en deux catégories. Celles qui sont symétriques par réflexion par rapport au plan de la molécule et celles qui sont antisymétriques par réflexion par rapport à ce plan. La combinaison de ces orbitales conduit à un système de 6 orbitales moléculaires dont seulement trois sont représentées.
|
aC |
aO |
bC-O |
a |
a + b |
1,1 b |
Orbitale moléculaire |
Energie |
p : j1 = 0,85 pO + 0,53 pC |
E1 = a + 1,618 b |
p* : j 2 = 0,53 pO - 0,85 pC |
E2 = a - 0,618 b |
Pour l'orbitale moléculaire p*, l'atome qui possède le coefficient le plus grand est l'atome de carbone. Un réactif nucléophile réagira donc de préférence sur cet atome.
Méthode de la mésomérie
Dans la méthode de la mésomérie, le groupe carbonyle est décrit par deux formes limites principales représentées ci dessous. Celle de gauche est la forme ylène. Celle de droite présente une séparation
des charges. L'atome d'oxygène, plus électronégatif que l'atome de carbone, supporte la charge négative. Cette forme est appelée forme ylure (en anglais : ylid).
Quelle que soit la méthode employée, retenons que le groupe carbonyle est fortement polarisé avec un atome de carbone déficient en électrons, donc électrophile.
Spectroscopie
Spectroscopie infrarouge
C'est une méthode de choix pour l'étude des composés carbonylés. Le nombre d'onde de la vibration de valence du groupe
carbonyle dépend du type de composé mais apparaît nettement sous la forme d'une bande intense dans une région assez dégagée du spectre.
L'exemple ci-dessous concerne la 4-méthylpentan-2-one.
Les aldéhydes possèdent en outre une absorption caractéristique dûe à la vibration de valence de la liaison C-H. Elle se présente sous la forme d'un pic fin.
s (cm-1) |
2700 - 2900 |
1650 - 1730 |
vibration |
élongation C - H |
élongation C = O |
Dans un spectre comme celui du camphre, représenté ci-dessous, le pic d'absorption caractéristique du groupe carbonyle se détache d'une région beaucoup plus complexe permettant l'identification du composé (région des empreintes digitales).
Notons deux propriétés importantes concernant le nombre d'onde de la vibration d'élongation du carbonyle. On observe une augmentation du nombre d'onde dans le cas de cétones cycliques lorsque la taille du cycle diminue.
Composé |
Cyclohexanone |
Cyclopentanone |
Cyclobutanone |
s (cm-1) |
1685-1705 |
1740-1750 |
1780 |
Spectroscopie de RMN
L'effet inductif attracteur du groupe carbonyle diminue la densité électronique autour du noyau d'hydrogène.
Voici quelques valeurs de déplacement chimique :
Protons |
H3C-CO- |
-CH2-CO- |
H-CO- |
d (ppm) |
2 |
2,5 |
10 |
L'exemple suivant concerne la pentan-3-one.
On repère facilement les méthylcétones par la présence d'un pic vers 2 ppm comme dans l'exemple ci-dessous.
Les protons aldéhydiques s'oberve avec un déplacement chimique élevé. On peut l'interpréter par deux phénomènes :
Puisque le champ induit s'ajoute au champ appliqué, le champ Be nécessaire pour obtenir la résonance est inférieur à celui qu'on observerait pour un proton nu B0.
Dans les exemples ci-dessous, on notera la présence d'un multiplet dans la région des 7,5 ppm qui correspond aux protons aromatiques.Quand le cas se présente, le couplage d'un proton aldéhydique et des protons appartenant au reste de la chaîne carbonée intervient à travers le groupe carbonyle. Le spectre de l'éthanal comporte deux signaux :
Ultraviolet - visible
Les transitions utilisables avec les appareils courants sont celles qui impliquent les niveaux p, n et p*.
Composé |
lm (nm) |
log e |
Solvant |
CH3CHO |
193 |
- |
cyclohexane |
CH3COCH3 |
188 |
3,04 |
heptane |
Elle est interdite de symétrie ce qui explique une intensité relativement faible.
Composé |
lm (nm) |
log e |
Solvant |
CH3CHO |
290 |
1,23 |
cyclohexane |
CH3COCH3 |
279 |
1,17 |
heptane |
Lorsque le composé carbonylé est énolisé en assez forte proportion dans un solvant donné, on voit apparaître à côté de la bande d'absorption n ® p* du carbonyle, une bande due à une transition p ® p* impliquant la double liaison de l'énol dont la longueur d'onde du maximum d'absorption est plus faible. L'application de la loi de Beer-Lambert permet alors de connaître la proportion du carbonylé énolisé.
Composé |
I |
II |
lm (nm) |
290 |
230 |
Pourcentage |
75 |
25 |
La longueur d'onde du maximum d'absorption des transitions p ® p* et n ® p* est assez sensible à la polarité du solvant. Lorsqu'on passe d'un solvant apolaire (I) à un solvant polaire (II), on assiste aux phénomènes suivants :
Réactions d'additions ioniques sur le carbonyle
Généralités sur les additions ioniques
En présence d'un acide de Lewis assez fort que nous noterons M+ on observe l'équilibre suivant :
L'existence de cette association modifie la répartition électronique au sein du groupe carbonyle. La réactivité du carbonyle s'en trouve exaltée. On peut rendre compte de ce phénomène en utilisant la méthode de la mésomérie et celle des orbitales moléculaires.L'association entre l'atome d'oxygène et M+, draine les électrons vers M+. L'ensemble
(COM+) se comporte comme un groupe plus électronégatif que l'oxygène seul. Ce groupe possède une énergie plus basse. Il en résulte un abaissement
de l'énergie de la BV et une augmentation du coefficient au niveau de l'atome de carbone de cette orbitale. Géométrie de l'addition nucléophile L'exemple suivant constitue une vérification expérimentale de ce qui précède. La molécule présente deux groupes carbonyles. Celui qui est réduit préférentiellement est celui qui est adjacent
à l'atome de carbone le plus encombré. Ce résultat en apparence paradoxal s'explique par le fait que la trajectoire suivie par le nucléophile n'est pas perpendiculaire au plan du groupe carbonyle. La trajectoire de Bürgi-Dunitz intervient dans le modèle de modèle de Felkin-Anh étudié dans le chapitre de stéréochimie dynamique. Remarque : l'angle entre la direction d'attaque du nucléophile et celui du carbonyle dans le plan joue également un rôle dans le cas où l'on a affaire à des aldéhydes possèdant un atome de carbone chiral en a du carbonyle (angle de Flippin-Lodge). Cet effet est étudié dans le chapitre consacré à la stéréochimie dynamique. Cas où les faces du carbonyle sont prochirales Lorsqu'elle s'accompagne de l'apparition de protons diastéréotopiques, l'addition d'un nucléophile sur les faces prochirales d'un groupe carbonyle peut être aisément détectée en spectroscopie de RMN. Présence d'un carbone asymétrique en a du groupe carbonyle Addition nucléophile des hydrures Réactifs donneurs d'hydrure Le tétrahydruroaluminate de lithium LiAlH4 (en anglais : lithium alumino hydride LAH) est un composé ionique qui se présente sous la forme d'un solide blanc, stable dans l'air sec mais extrêmement réactif. On le conserve généralement dans une huile minérale.
Il a été préparé en 1947 par H. J. Schlesinger. On l'utilise dans l'éthoxyéthane ou le THF. Il est absolument incompatible avec l'eau qu'il réduit avec explosion à cause du dégagement d'hydrogène et du caractère très exothermique de la réaction. On peut le préparer par la réaction suivante :
LiAlH4 réduit de nombreuses doubles liaisons polarisées. Il est peu sélectif.
Le tétrahydroborate de sodium NaBH4 (on utilise hydro et non hydruro pour désigner le ligand de l'ion complexe en chimie du bore pour des raisons historiques.) a été préparé par H. I. Schlesinger et H. C. Brown en 1943 dans le cadre du "projet Manhattan". On peut l'obtenir en faisant réagir l'hydrure de sodium et le diborane. NaBH4 est beaucoup moins réactif que LiAlH4 (la liaison B-H est plus forte que la liaison Al -H). Il offre de ce fait, l'avantage d'une bien plus grande sélectivité. Pour les composés carbonylés, l'ordre de réactivité est le suivant : a-énones < cétones < a-énals (aldéhydes conjugués) <
aldéhydes.
Le phénomène que nous venons de décrire, porte le nom d'assistance électrophile.
Commençons par examiner la direction d'attaque du nucléophile dans le plan perpendiculaire au plan du carbonyle.
Avec les nucléophiles peu encombrés, la géométrie de l'addition est gouvernée par le recouvrement
des orbitales frontières des réactifs. Raisonnons dans le cas de l'addition d'un ion hydrure. Ce dernier
intervient par sa plus haute om occupée (1 s). Le carbonyle intervient par la plus basse om vacante. Le schéma ci-dessous résume la situation en l'absence (I) puis en présence
d'une activation électrophile (II).
Le phénomène a été étudié dans les années 70 par H. B. Bürgi, J. D. Dunitz et J. M. Lehn [43]. L'angle d'attaque, appelé usuellement angle de Bürgi-Dunitz, est voisin de 105° (figure I). Ce résultat s'interprète en considérant le recouvrement des orbitales. La géométrie de l'interaction maximise l'interaction stabilisante tandis qu'elle minimise l'interaction secondaire déstabilisante entre les lobes orbitalaires de signes contraires (cette interaction est figurée en pointillés sur la figure.)
En présence d'activation électrophile par l'acide de Lewis M+, le coefficient sur l'atome de carbone augmente ce qui a pour conséquence d'augmenter l'intensité de l'interaction prinicpale stabilisante et de diminuer l'interaction secondaire déstabilisante. L'angle d'attaque diminue et passe à une valeur voisine de 95° (figure II.)
Les deux faces d'un groupe carbonyle lié à deux substituants différents sont prochirales et ces faces sont nommées en utilisant la convention de Hanson. L'exemple ci-dessous
concerne la molécule d'éthanal.
La présence d'un centre chiral en a du groupe carbonyle pose un problème d'induction asymétrique, la règle de Cram ainsi que les modèles de Felkin et de Felkin-Anh sont examinés dans le chapitre consacré à la stéréochimie dynamique.
L'ion hydrure contient l'élément hydrogène au degré (-I). C'est donc un réducteur potentiel de fonctions insaturées.
Les hydrures alcalins LiH, NaH, KH sont connus depuis longtemps. Cependant ces composés ne sont guère utilisables comme réducteurs car ce sont des bases très fortes et l'ion H- n'y manifeste pas
de propriétés nucléophiles. En revanche dans les complexes d'hydrures d'aluminium ou de bore, l'hydrogène est lié par une liaison covalente polarisée. Ce sont des réactifs gros et polarisables, permettent de transférer l'ion H- vers un substrat insaturé en exaltant sa capacité nucléophile.
En général, un certain type de groupement carbonyle peut être réduit sélectivement en présence d'un
autre groupe carbonyle d'une catégorie moins réactive.
On réalise ces réactions en utilisant un excès de tétrahydroborate de sodium, dans des mélanges de solvants tels que méthanol ou d'éthanol avec du dichlorométhane. A la différence de LiAlH4, il n'est pas totalement incompatible avec l'eau dans laquelle il se dissout assez bien. Il réagit cependant lentement avec l'eau pour donner du dihydrogène. C'est la raison pour laquelle il faut l'utiliser en excès en présence d'un milieu aqueux.
Notons que ce réactif réduit les chlorures d'acyles en alcools.
La réduction d'un composé dicarbonylé fournit au maximum quatre stéréo-isomères. Dans le cas du benzile, du fait de la symétrie de la molécule de départ, il y a deux énantiomères et un composé méso.
De nombreux réactifs permettant le transfert d'hydrure ont été préparés ces dernières années. Le K-sélectride est un hydrure fortement encombré utilisé dans les réductions
diastéréosélectives.
A ces réactions on peut rattacher la réaction de Meerwein, Ponndorf et Verley dans laquelle l'isopropylate d'aluminium permet le transfert d'un ion hydrure vers un composé carbonylé.
Les réactions de réduction des carbonylés impliquant des organomagnésiens encombrés procèdent d'un mécanisme assez comparable.
Bilan et mécanisme
Le cation intervient dans l'activation électrophile du groupe carbonyle. Une preuve de cette activation est fournie par le fait expérimental suivant : lorsqu'on complexe le cation Li+ par un
cryptand de taille convenable on observe un ralentissement très net de la réaction.
Un état de transition plausible pour le transfert de l'ion hydrure vers le groupe carbonyle est représenté ci-dessous :
Puisque le réactif possède quatre ions hydrure, les équations traduisant ces transferts successifs sont les suivantes : L'alcoolate d'aluminium est ensuite hydrolysé. La réaction est réalisée en milieu acide pour éviter la précipitation de Al(OH)3. La réaction avec le tétrahydroborate de sodium possède un mécanisme du même type.Addition sur des faces diastéréotopiques
Lorsque le groupe carbonyle est adjacent à un atome de carbone asymétrique, les faces prochirales du
carbonyle sont diastéréotopiques. L'influence exercée par cet atome de carbone sur la stéréochimie de
l'addition s'appelle induction asymétrique. Pour prévoir la stéréochimie de l'addition, plusieurs modèles de l'état de transition sont utilisés :
Stéréochimie en série cyclique
La réaction entre les hydrures métalliques et les cétones cycliques est diastéréosélective. La stéréochimie de
l'addition est gouvernée par des facteurs stéréoélectroniques. Avec les hydrures non encombrés comme NaBH4 ou LiAlH4, le facteur
électronique est prédominant et la réaction normale se traduit par une approche axiale de l'ion hydrure, conduisant à l'alcool possédant un groupe OH équatorial. Avec les hydrures
encombrés, l'attaque équatoriale peut devenir prédominante. L'alcool diastéréo-isomère du précédent est alors majoritaire.
La diastéréosélectivité de l'addition des hydrures est étudiée dans le chapitre relatif à la stéréochimie dynamique.
Le cas des composés bicycliques pontés est un plus délicat. Expérimentalement, on constate que les facteurs stériques sont prédominants et l'hydrure est transféré de façon préférentielle sur la face moins encombrée. L'exemple suivant concerne la réduction de la molécule de camphre qui donne un mélange dans lequel l'isobornéol (composé A1) pour lequel le groupe OH est situé sur la même face que le pont ( face exo) est largement majoritaire sur le bornéol (composé A2) pour lequel le groupe OH est situé sur la face opposée au pont (face endo.)
Composé |
A1 |
A2 |
NaBH4 |
86 |
14 |
L'excès diastéréoisomérique vaut 72 %. Un mode opératoire pour cette réaction est donné à la référence [11] (01/67).
Le modèle ci-contre représente un hydrure du bore alkylé commercialisé sous le nom de K-Sélectride (Aldrich). On l'obtient en faisant réagir un trialkylborane sur l'hydrure de potassium. Il est beaucoup plus encombré et par conséquent plus stéréosélectif que le tétrahydroborate de sodium lorsque la réaction est contrôlée par des facteurs stériques. |
Résultats expérimentaux
Le produit d'addition de l'eau sur un composé carbonylé est un gem-diol.
Si l'on excepte l'hydrate de chloral qu'on peut obtenir à l'état cristallisé, la plupart des gem-diols sont des composés instables. D'un point de vue préparatif cette réaction offre donc peu d'intérêt. En revanche elle permet d'obtenir des informations intéressantes sur la réactivité comparée des composés carbonylés. Le tableau ci-dessous regroupe quelques valeurs pour la constante thermodynamique K de l'équilibre.
K = [hydrate]/[carbonylé]
Composé |
CH3COCH3 |
CH3CHO |
HCHO |
F3CCHO |
K |
1,4´10-3 |
1,06 |
2,3´103 |
2,9´104 |
On constate que vis à vis de l'hydratation, les aldéhydes réagissent plus facilement et plus complètement que les
cétones. Cela peut s'expliquer par plusieurs facteurs :
La réaction d'hydratation est catalysée en milieu acide et en milieu basique. Nous allons examiner successivement les deux cas :
Oxydation des aldéhydes
On a pu démontrer que l'oxydation des aldéhydes en milieu aqueux fait intervenir l'hydrate du carbonylé. Un mécanisme
partiel de cette oxydation est le suivant :
L'oxydation des alcools primaires en aldéhyde pose le problème de la suroxydation de ces
derniers en acide. Puisque l'oxydation implique l'hydrate de l'aldéhyde, un moyen de s'en
affranchir est de travailler en milieu anhydre. C'est le cas lorsqu'on effectue l'oxydation de
l'alcool en utilisant un réactif mis au point par le chimiste américain E. J. Corey : le chlorochromate de pyridinium PCC.
Les a-énones donnent des réactions intéressantes avec différents organométalliques, notamment les organocuprates. Leurs propriétés sont étudiées dans un chapitre particulier.
Notons, d'un point de vue expérimental, que les aldéhydes bouillent à des températures assez basses : 21 °C pour l'éthanal, - 21 °C pour le méthanal. Avec cet aldéhyde, l'alcool obtenu est primaire.
Les aldéhydes sont plus réactifs que les esters. La réaction suivante, effectuée à basse température, suivie d'une hydrolyse, est une étape de la synthèse du sulcatol, une phéromone d'insecte. La fonction ester sert ici à protéger une fonction alcool secondaire.
La réaction entre le bromure de phénylmagnésium et la benzophénone permet la préparation du triphénylméthanol.
L'addition de benzophénone dans l'éther à une solution de bromure de phénylmagnésium, conduit dans un premier temps à une solution rouge traduisant la présence d'un intermédiaire réactionnel fortement délocalisé (un complexe de transfert de charge impliquant un radical anion). |
Le tableau ci-dessous résume les différents cas possibles.
Composé |
méthanal |
aldéhydes |
cétones |
Classe d'alcool |
primaire |
secondaire |
tertiaire |
La réaction entre les organomagnésiens et les cétones aromatiques a été particulièrement étudiée par E. C. Ashby qui a pu démontrer l'intervention d'un mécanisme radicalaire.
Lorsqu'on ajoute lentement du bromure de phénylmagnésium à une solution de benzophénone dans le toluène, on observe de façon transitoire une coloration rouge. On l'interprète par l'existence d'un complexe de transfert de charge qui résulte d'un transfert monoélectronique du magnésien vers la cétone.
Aspect stéréochimique
La stéréochimie de l'addition d'un organométallique sur les faces diastéréotopiques
d'un composé carbonylé peut être prévue en utilisant le modèle de Felkin-Anh sauf quand la présence d'un groupe jouant le rôle de base de Lewis sur le substrat entraîne un contrôle par chélation de l'addition.
L'excès diastéréoisomérique en faveur du composé I, vaut 92 %.
Introduction
Le chimiste allemand G. Wittig qui est décédé en 1987, a travaillé dans de nombreux domaines de la chimie organique. Il est notamment connu pour la découverte de la réaction qui porte son nom et qui lui a valu le prix Nobel de chimie en 1979 [31] conjointement avec le chimiste américain H. C. Brown. En 1950, G. Wittig, qui était déjà l'auteur de nombreux travaux en chimie organométallique, cherchait à préparer des composés pentavalents de l'azote. L'équation de la réaction qu'il voulait réaliser s'écrit :
"At the time we were not sure whether hydrogen bound to carbon would be proton-labile in quaternary ammonium salts. We came to this conclusion with an absurd experiment to prepare pentamethylnitrogen from tetramethylammonium salts by using the reaction of tetramethylammonium halide with methyllithium. It was confirmed experimentally that the octet principle is strictly valid for the elements of the first eight-element period. The object of synthesizing compounds with a pentacoordinate central atom was reached only when we studied the higher elements of the fifth main group - that is, phosphorus, arsenic, antimony, and bismuth." (extrait de la conférence donnée par G. Wittig à l'occasion de la remise de son prix Nobel en 1979) [68].
Tout naturellement Wittig se tourna ensuite vers l'élément phosphore dont l'aptitude à étendre son octet est bien connue dans des composés comme PCl5. Avec un sel de phosphonium, l'équation de la réaction s'écrit :Préparation et propriétés des ylures de phosphore
Un ylure de phosphore ou phosphorane, peut être défini comme étant un carbanion adjacent à un atome de phosphore. Dans le formalisme de la mésomérie, on peut décrire schématiquement la structure par deux formes limites représentées ci-dessous. La forme de gauche est appelée ylure celle de droite ylène. Dans la forme ylène, l'atome de phosphore a étendu son octet grâce à la
participation des orbitales d. Autrement dit, dans ce formalisme, un ylure est traité comme un système conjugué siège d'une résonance pp-dp.
|
L'effet correspond à l'interaction entre un doublet non liant n(C) porté par l'atome de carbone négatif de
l'ylure et l'orbitale antiliante s* de la liaison R-P. Au lieu d'occuper l'orbitale n(C) les électrons occupent
l'orbitale y telle que : Cette combinaison est liante entre P et C et antiliante entre R et P. On doit donc observer une longueur de liaison P-C diminuée et une liaison R-P allongée ; résultat conforme à l'expérience. |
La première étape de la préparation d'un ylure est la synthèse d'un sel de phosphonium. On réalise une substitution nucléophile de type SN2 en utilisant un halogénure d'alkyle comme substrat. Le réactif le plus utilisé est la triphénylphosphine. Cette réaction ressemble à l'alkylation d'Hofmann des amines.
|
Ylure |
non stabilisé |
semi-stabilisé |
stabilisé |
Formule |
|||
Nature des goupes |
-H, alkyle |
-OR, -X, phényle, vinyle |
-CO2 Et, -SO2Ph,-CHO, -CN |
Préparation |
in situ |
in situ |
à part |
EWG (electron withdrawing group) désigne un groupe attracteur d'électrons.
Réaction des ylures avec les composés carbonylés Mécanisme de la réaction de Wittig Aspect stéréochimique
La vitesse de la réaction augmente avec le caractère électrophile du composé carbonylé. Les aldéhydes réagissent plus vite que les cétones et il est possible d'effectuer
l'oléfination de la double liaison d'un aldéhyde en présence d'un groupement oxo dans certaines conditions.
Les esters de l'acide méthanoïque réagissent avec le plus simple des ylures pour conduire aux éthers d'énols.
Les cétones ne réagissent que très difficilement avec les ylures disubstitués. Les alcènes tétrasubstitués ne peuvent pas être préparés valablement par cette méthode.
Le mécanisme de la réaction a fait l'objet de plusieurs hypothèses dès sa découverte. L'existence d'un intermédiaire appelé oxaphosphacyclobutane (un atome d'oxygène et un atome de phosphore remplacent formellement deux atomes de carbone du cyclobutane) ou, plus communément, oxaphosphétane a été proposée par Wittig dans son article initial [44]. L'existence de cet intermédiaire a été démontrée par E. Vedejs en 1973 en utilisant la spectroscopie RMN du 31P à basse température [56]. L'expérience ainsi que les calculs théoriques militent en faveur d'une cycloaddition [2 + 2] [58].
L'addition entre un aldéhyde ou une cétone dissymétrique avec un ylure substitué pose un problème stéréochimique. A priori deux composés éthyléniques
diastéréo-isomères peuvent être obtenus.
On observe expérimentalement que la décomposition des oxaphosphétanes est stéréospécifique :
L'expérience montre aussi que la stéréosélectivité de la réaction dépend fortement de la stabilité de l'ylure.
Les pourcentages moyens suivants selon la nature de l'ylure utilisé.
Ylure |
non stabilisé |
stabilisé |
Ethylénique |
> 90 % Z |
> 90 % E |
Cet état de transition possède une certaine ressemblance avec celui rencontré dans l'addition entre un cétène et un composé éthylénique qui fournit un cyclobutane substitué. L'état de transition précédent conduit à un oxaphosphétane cis.
La décomposition rapide de cet oxaphosphétane fournit l'éthylénique Z.Notons que des calculs récents ont montré qu'une approche supra/supra est également possible si l'on tient compte de l'intervention des orbitales d du phosphore [79].
Réactions en l'absence de sel de lithium
En présence de sels de lithium, on constate que la sélectivité cis diminue fortement. On interprète cette dérive stéréochimique par l'intervention de l'équilibre d'isomérisation entre les oxaphosphétanes cis et trans induite par les sels de lithium. Comme la présence de lithium est une conséquence de l'utilisation de bases lithiées, il faut prendre des précautions particulières pour conserver le contrôle cinétique même en présence d'ylures non stabilisés. Les réactions de Wittig en l'absence de sel de lithium sont conduites en utilisant des bases comme NaH, le tertiobutylate de potassium (tBuOK) ou le bis(triméthylsilyl)amidure de potassium (KHMDS). La réaction suivante fait
partie d'une synthèse d'un alcaloïde produit par une espèce de grenouille venimeuse [71].
Le rapport diastéréoisomérique vaut E : Z = 1 : 17.
Notons qu'une bétaïne lithiée a été mise en évidence par spectroscopie RMN à basse température, durant le déroulement d'une réaction de Wittig, dans un cas particulier, assez récemment [55].
L'image de gauche représente une bétaine phosphorée. Il s'agit d'un ion dipolaire ou zwitterion.
Le nom de bétaïne vient de l'analogie structurale avec celle du dérivé triméthylé du glycocolle présent dans la betterave (beta vulgaris en latin).
[55].
Applications de la réaction de Wittig
Avant la découverte de la réaction de Wittig, les principales voies d'accès aux composés éthyléniques mettaient en jeu des réactions d'élimination à partir des dérivés halogénés ou à partir des alcools. L'élimination sur ces substrats obéit à un certain nombre de règles qui orientent déterminent la régiosélectivité. Ainsi, une préparation du méthylènecyclohexane à partir du cyclohexanol s'effectue a priori en deux étapes :
Notons qu'une autre méthode de synthèse du méthylènecyclohexane met à profit l'élimination de Cope à partir d'un
oxyde d'amine.
La réaction de Wittig a été utilisée comme étape clé dans de nombreuses synthèses totales de phéromones telles que la frontaline ou le bombykol.
Dans la synthèse de Bestmann du bombykol, l'ester méthylique de l'acide undec-10-énoïque subit une ozonolyse en milieu réducteur. On obtient un aldéhyde qui sert de point de départ à deux réactions de Wittig successives [52] :La réaction de Wittig est réalisable de façon intramoléculaire. Elle a ainsi permis de préparer le premier composé bicyclique chiral transgressant la règle de Bredt. On peut le considérer comme un dérivé ponté du E-cyclooctène [59].
Il est possible de réaliser l'union de fragments de grandes dimensions ce qui explique sont utilisation fréquente dans les synthèses convergentes multiétapes. Le schéma ci-dessous représente les grandes lignes de la synthèse industrielle du rétinol (vitamine A1) mise au point par BASF.
Le b-carotène peut être préparé par une méthode analogue [49].
Le rétinol est le précurseur biochimique d'une molécule importante dans la chimie de la vision : le rétinal. Dans l'organisme, le rétinol est transporté par une protéine dont la structure est assez curieuse et qui est appelée 1 RBP (retinol binding protein). L'isomérisation du rétinal est à la base du mécanisme de la vision. Une autre voie synthétique d'accès au rétinol est le couplage de Suzuki. |
Terminons par une réaction qui permet d'illustrer l'utilisation d'un ylure stabilisé. On notera l'utilisation d'un milieu aqueux dans cette synthèse.
Le mode opératoire de cette réaction est décrit à la référence [11].Modification de Schlosser de la réaction de Wittig
Il est possible d'obtenir une diastéréosélectivité élevée en éthylénique E, même en partant d'ylures non stabilisés, en utilisant une procédure
particulière mise au point par Manfred Schlosser (Université de Lausanne). Le succès de cette transformation repose sur l'utilisation de 2 équivalents
de phényllithium en présence de bromure de lithium LiBr.
Le tableau suivant donne le pourcentage d'éthylénique E pour différents groupements R.
Groupe R |
-Ph |
-nC5H11 |
% éthylénique E |
97 |
99 |
Les principales étapes de la transformation sont résumées ci-dessous :
Référence [48].
Une application intéressante des b-oxydoylures, due à E. J. Corey, est leur utilisation dans une synthèse stéréosélective d'alcools allyliques à partir d'un aldéhyde.Réactions de Wittig-Horner et de Wadsworth-Emmons
Introduction
Les ylures très stabilisés ne sont généralement pas suffisamment réactifs pour donner lieu à la réaction de Wittig. Une alternative consiste à utiliser l'addition d'un carbanion phosphonate sur un composé carbonylé :
|
|
dialkylester de l'acide b-cétophosphonique |
dialkylester de l'acide b-(alkoxycarbonyle)-phosphonique |
Le premier composé peut être préparé par acylation d'un carbanion par un ester. Une autre méthode consiste à faire réagir un organolithien sur un N-méthoxy-N-méthylamide (amide de Weinreb).
Le second est obtenu par la réaction d'Arbusov. Sa force motrice est la formation d'une liaison double phosphore-oxygène de grande énergie de liaison [72]. Le mécanisme simplifié de la réaction d'Arbusov est donné ci-dessous.On obtient très majoritairement le produit de stéréochimie E. Le mécanisme de la réaction n'est pas connu avec certitude. L'origine de la stéréosélectivité est encore l'objet de controverses.
Par rapport à la réaction de Wittig les réactions précédentes présentent plusieurs avantages :Applications
La préparation du trans-stilbène à partir du benzaldéhyde constitue un exemple de ce type de réaction.
La transformation est facilitée par l'utilisation de chlorure de méthyltrioctylammonium (aliquat 336), un ammonium quaternaire permettant une catalyse par transfert de phase.
Les ions hydroxyde véhiculés en phase organique y acquièrent une basicité plus grande qui permet une déprotonation facile du diéthylbenzylphosphonate. Un protocole est décrit à la référence [39]. Voici un autre exemple :
Modification de Still-Gennari
Il est possible d'obtenir de façon stéréosélective des composés éthyléniques de stéréochimie Z en utilisant la modification de Still-Genarri de la réaction de
Wadsworth-Emmons. Celle-ci consiste à greffer un groupe fortement électroattracteur au carbanion phosphonate. L'origine de ce changement de
stéréosélectivité reste assez obscure.
Oléfination de Peterson
Introduction
Les carbanions silylés peuvent être obtenus par métallation d'un silane par une base forte comme le butyllithium.
Ils sont stabilisés grâce aux orbitales d du silicium.
Aspect stéréochimique La rotation autour de la liaison C-C permet à la molécule d'adopter une conformation favorable à une cyclisation.
La stéréochimie de l'élimination à partir d'un b-hydroxysilane dépend de la nature du milieu dans laquelle elle est effectuée et notamment du caractère acide ou basique de ce milieu. Considérons l'exemple suivant :
On interprète ces résultats expérimentaux par les mécanismes suivants :
Selon la manière dont est effectuée l'élimination on obtient par conséquent l'un ou l'autre des alcènes diastéréo-isomères. Dans les deux cas, ils s'agit d'éliminations stéréospécifiques.
Préparation de b-hydroxysilanes de stéréochimie donnée
L'un des inconvénients de l'addition de carbanions silylés sur un composé carbonylé dans la réaction de Peterson est son manque de sélectivité quant à la stéréochimie des b-hydroxysilanes obtenus. Des méthodes de contrôle de cette stéréosélectivité ont été
mises au point.
L'addition d'un carbanion a-silylé sur le butanal fournit un mélange de stéréoisomères du b-hydroxysilane ci-dessous.
De même avec l'autre énantiomère. Une élimination à partir de ces composés fournira :
Le sel de sulfonium (pK ~ 25) est ensuite traité par une base très forte telle que le butyllithium à - 10 °C ;
Les ylures de sulfonium sont très instables et doivent être utilisés rapidement. Ils se décomposent pour fournir un carbène (ici, un méthylène) :
Les carbènes très instables se couplent pour donner un commposé éthylénique (ici, l'éthène).
Réaction de Corey-Chaykowsky
La réaction de Corey-Chaykowsky consiste à préparer des époxydes (oxacyclopropanes) en faisant réagir un ylure de soufre avec un composé carbonylé [41]. Les ylures de sulfonium et de sulfoxonium peuvent être utilisés :
Un exemple de réalisation expérimentale de cette réaction est donné à la référence [34].
Ce dernier exemple illustre la différence de réactivité entre les ylures de sulfoxonium et les ylures de phosphore. On sait qu'avec ces derniers, on observe la formation d'un cycle à quatre chaînons appelé oxaphosphétane qui se décompose pour donner un composé éthylénique et un oxyde de triphénylphosphine Ph3PO qui possède une énergie de liaison phosphore-oxygène très grande. C'est la formation de ce composé très stable qui est à l'origine de cette orientation.
Notons que cette réaction rappelle celle de Darzens qui permet la synthèse des esters glycidiques.Aspect stéréochimique
L'un des attraits de la réaction de Corey-Chaykowsky dans la préparation des époxydes, est sa stéréosélectivité :
Réaction des ylures de soufre avec les a-énones
Vis-à vis d'un même substrat a,b-insaturé, on observe des réactions chimiosélectives dépendant de la nature de l'ylure : sulfonium ou sulfoxonium.
Cette fois, l'addition sur le carbonyle est réversible tandis que la réaction de formation de l'époxyde est très lente (interaction nucléophile dur-électrophile mou qui n'est pas représentée ici).
Mais l'ylure peut également réagir de façon conjuguée. L'addition conjuguée est quasiment irréversible car la substitution nucléophile ultérieure, rapide et irréversible est beaucoup plus rapide que la réaction inverse de décomposition de l'intermédiaire (k2 >> k-1). L'ensemble de la transformation conduit à un cyclopropane (interaction nucléophile mou-électrophile mou) [74].
L'adduit obtenu peut évoluer pour conduire à un époxyde (oxacyclopropane.)
Ou à un agrandissement de cycle.
Conditions expérimentales
La réaction entre HCN et un composé carbonylé conduit à un a-hydroxynitrile qu'on appelle aussi une cyanhydrine. Le cyanure d'hydrogène HCN n'étant pas nucléophile,
on fait réagir le composé carbonylé avec un cyanure alcalin
puis on acidifie progressivement le milieu réactionnel. Il est intéressant de noter la valeur suivante pKa (HCN/CN-) = 9,1 pour le couple acide-base correspondant.
L'hydrolyse de la fonction nitrile permet d'accéder aux a-hydroxyacides. La transformation suivante est une étape de la synthèse de l'acide tropique un composé qui peut, par ailleurs, être obtenu par hydrolyse de l'atropine.
Les hydroxynitriles sont stables en milieu acide car le groupe hydroxy n'est pas suffisamment nucléophile pour déplacer l'ion cyanure. En revanche, ils redonnent les composés parents en milieu suffisamment basique. C'est le principe de la réaction de dégradation de Wöhl.
Les amandes amères, qu'on trouve dans les noyaux de pêche ou d'abricot, contiennent un hétéroside dérivé du glucose appelé amygdaline. En milieu biologique, l'hydrolyse de l'amydgaline est catalysée par une enzyme : la b-glucosidase (E). Elle fournit le mandélonitrile et du glucose.
Synthèse de Kiliani-Fischer
Le grand chimiste allemand E. Fischer a mit à profit la réaction précédente pour préparer le D-glucose à partir du D-arabinose [16].
L'addition de HCN au D-arabinose (A) fournit deux a-hydroxynitriles diastéréo-isomères (I) et (II). Ces deux stéréoisomères
diffèrent seulement par la configuration de l'atome de carbone C2. Ce sont des épimères.
Une autre méthode d'homologation des sucres consiste à utiliser les propriétés des carbanions de dérivés nitrés en réalisant successivement une réaction de Henry puis une réaction de Nef.
Dégradation de Wöhl
Puisque la réaction de formation des cyanhydrines est renversable, on peut diminuer la longueur de la chaîne carbonée
d'un sucre en traitant un a-hydroxynitrile en milieu basique. C'est le principe d'une des étapes de la réaction de dégradation de Wöhl [87].
Cet hydroxynitrile est ensuite déshydraté et la fonction nitrile est hydratée en amide.
Son estérification par le méthanol fournit le méthacrylate de méthyle.
La polymérisation du méthacrylate de méthyle donne le polyméthacrylate de méthyle (PMM) qui constitue le plexiglas qu'on appelle aussi verre organique.
Synthèse de Strecker
Les a-aminonitriles peuvent être préparés en faisant réagir un aldéhyde ou une cétone avec NaCN en présence de NH4Cl. Cette réaction, appelée synthèse de Strecker, peut être considérée comme un cas particulier de réaction de Mannich.
Alcools
Hémiacétals Acétals et cétals
La réaction entre un hémiacétal et un alcool, catalysée par un acide fournit un acétal. Du fait de leur faible réactivité, et du caractère renversable de leur réaction de formation, les acétals sont utilisés comme groupe protecteur des composés carbonylés ou des alcools [22] et [23].
Les acétals sont stables en milieu basique. En revanche ils redonnent facilement l'alcool et le carbonylé parents par hydrolyse en milieu acide.
Les acétals sont synthétisés de façon commode par réaction d'échange avec le diméthylcétal du méthanoate de méthyle. Ce cétal d'ester est encore appelé orthoester d'où son nom courant d'orthoformiate de méthyle.
La force motrice de cette réaction est la formation de l'ester, plus stable que la cétone du fait de la conjugaison du groupe carbonyle avec l'atome d'oxygène. On trouvera une préparation du diéthylcétal du propénal ou acroléine à la référence [27].
Certains acétals existent à l'état naturel. La frontaline est une phéromone d'agrégation de coléoptères appartenant à la famille des scolitidae. Parmi ces insectes, le scarabée Dendroctonus frontalis Zimmermann (Southern Pine Beetle) est l'insecte le plus destructeur de forêts de pins dans le sud des USA.
Thiols
Thiocétals
L'éthanedithiol est un réactif utilisé pour la synthèse des dithiocétals. On peut le préparer au moyen de la réaction de substitution suivante, dans laquelle les ions hydrogénosulfure sont les nucléophile : |
Les thioacétals et les thiocétals peuvent être regardés comme les analogues soufrés des acétals et des cétals. Lorsque le but de la réaction est de préparer ces composés pour s'en servir d'intermédiaires, on peut traiter le composé carbonylé par l'éthanedithiol en présence d'un catalyseur du type acide de Lewis ZnCl2 ou le complexe éther-trifluorure de bore. Comme dans le cas de leurs homologues oxygénés, la formation d'un composé cyclique s'accompagne d'un effet entropique moins défavorable qu'avec un thiol ordinaire.
Les thioacétals et les thiocétals sont stables en milieu basique (une base très forte comme le butyllithium nBuLi peut toutefois
déprotoner les thioacétals.) Ils sont aussi raisonablement stables en milieu acide.
On les utilise fréquemment comme groupement protecteur des aldéhydes et des cétones [22] et [23]. Pour débloquer le groupe carbonyle et régénérer les
composés parents, divers réactifs sont disponibles. On peut par exemple traiter le thiocétal par un sel de mercure (II). La formation
de HgS déplace la réaction vers la droite.
Une réaction très importante des thiocétals est leur désulfuration qui permet une réduction du groupe carbonyle en méthylène.
Réaction de Corey et Seebach
Le but est d'effectuer la synthèse d'une cétone à partir d'un aldéhyde et d'un agent alkylant. On peut schématiser cette transformation par :
L'atome de carbone du carbonyle étant déficient en électrons, il s'agit d'un site électrophile. Son alkylation par l'intermédiaire d'une substitution nucléophile avec un halogénure d'alkyle nécessite au contraire une forte densité électronique sur cet atome de carbone. L'idée est de renverser la polarité de la liaison carbone-hétéroatome en passant par l'intermédiaire d'un dithiocétal cyclique ou dithiane :
le dithiocétal cyclique obtenu peut être métallé à basse température par le butyllithium.
Ce dithiane lithié est un carbanion. La charge négative est stabilisée par la présence des atomes de soufre qui peuvent étendre leur octet grâce aux orbitales 3d vacantes.
Si l'on se réfère à l'aldéhyde de départ, on voit que la polarité de la liaison carbone-hétérotatome a changé de sens.
On dit qu'il y a eu inversion de polarité de la molécule de départ.
On parle aussi de charge affinity inversion selon la terminologie de D. A. Evans et G. C. Andrews ou encore d'umpolung selon celle de D. Seebach, l'un des promoteurs de la méthode [40].
Ce carbanion est facilement alkylé au moyen d'un dérivé halogéné :
Il ne reste plus qu'à régénérer le groupe carbonyle en utilisant la méthode vue plus haut.
Application à la synthèse des dérivés dicarbonylés
On va s'intéresser à la synthèse des dérivés dicarbonylés 1, 4. Une analyse rétrosynthétique conduit au résultat suivant. La disconnection fait apparaître l'addition d'un équivalent acyl-anion sur une cétone a,b-éthylénique jouant le rôle d'accepteur de Michaël.
Le schéma complet de la synthèse est le suivant :
Il existe d'autres méthodes de synthèse des dérivés dicarbonylés 1,4. Citons :
Réactif de Schiff
Test
Ugo Schiff est un chimiste d'origine allemande qui a effectué une grande partie de sa carrière en Italie, plus précisément à Florence puis à Turin. Le réactif de Schiff permet de caractériser les aldéhydes. Il est basé sur la formation d'un produit d'addition coloré entre le
réactif et le composé carbonylé. La facilité avec laquelle se forme l'adduit dépend de l'encombrement de l'atome de carbone fonctionnel. C'est la raison pour laquelle le test est positif
avec les aldéhydes et négatif avec la plupart des cétones sauf la propanone.
|
|
I chlorhydrate de p-rosaniline |
II réactif de Schiff |
|
|
III (incolore) |
IV (coloré) |
Le premier équilibre est facilement déplacé vers la gauche sous l'action de plusieurs facteurs ce qui conduit à une coloration rose du milieu réactionnel même en l'absence d'aldéhyde. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire, en particulier :
Diverses combinaisons associant le réactif de Schiff et d'autres composés sont utilisées en cytochimie pour colorer spécifiquement des constituants intracellulaires :
Amines
Imines
Les imines peuvent être regardées comme les analogues azotés des composés carbonylés. Leur préparation
peut être réalisée par condensation entre un aldéhyde ou une cétone et une amine primaire. La réduction des imines constitue une méthode d'alkylation douce des amines
primaires.
La réaction entre le carbone nucléophile d'un énol d'aldéhyde ou de cétone et un ion immonium formé in situ, s'appelle réaction de Mannich. Cette réaction est précieuse dans la synthèse des alcaloïdes
possédant le squelette du tropane. Elle a été mise à profit dans la synthèse de la tropinone par R. Robinson.
Enamines
Les énamines peuvent être considérées comme les analogues azotés des énols. La préparation des énamines tertiaires s'effectue en faisant réagir un composé
carbonylé énolisable avec une amine secondaire.
Les énamines sont des intermédiaires très utilisés en synthèse organique. Leur acylation est une méthode de préparation des dérivés dicarbonylés 1,3.
L'une des applications les plus intéressantes des énamines en synthèse concerne l'alkylation régiosélective des cétones mise au point par G. Stork.
Dérivés azotés caractéristiques
Cas général
Nous allons symboliser le composé azoté par ZNH2. Cette
écriture permet de traiter simultanément plusieurs réactions qui procèdent d'un mécanisme
semblable.
Z |
Réactif |
Produit |
Remarques |
H |
ammoniac |
imine non substituée |
produit non isolable |
R |
amine |
imine substituée |
produit isolable |
NH2 |
hydrazine |
hydrazone |
produit solide |
NHPh |
phénylhydrazine |
phénylhydrazone |
produit solide |
OH |
hydroxylamine |
oxime |
produit solide |
NH-CO-NH2 |
semi-carbazide |
semi-carbazone |
produit solide |
Le mécanisme de la réaction est détaillé ci-dessous. La vitesse de la réaction passe par un maximum pour un pH voisin de 4-5. Le rôle du milieu acide est de protoner le carbonyle de certaines molécules afin de les activer sans bloquer l'activité nucléophile du composé azoté.
Lorsque Z est un groupe alkyle, le composé obtenu est une imine substituée. Dans ce cas l'équilibre est plutôt en faveur des réactifs. La situation est différente quand la conjugaison entre la double liaison et un doublet non liant porté par Z permet une stabilisation du produit formé.
C'est le cas pour les oximes, les hydrazones et leurs dérivés. Notons que les composés substitués présentent l'isomérie Z, E.
Oximes
Les oximes peuvent être obtenues en faisant réagir l'hydroxylamine avec un composé carbonylé. Ce sont des composés généralement cristallisés à la température ordinaire, ce qui permet de les purifier.
Dégradation de Wohl des oximes
Parmi les réactions intéressantes des oximes, la dégradation de Wohl permet de diminuer d'un atome de carbone la
chaîne carbonée d'un ose.
Dans la première étape, on forme l'oxime de l'ose par réaction entre ce dernier et l'hydroxylamine.
Par réaction avec l'anhydride acétique, l'oxime est déshydratée en nitrile.
L'ester de l'hydroxynitrile est traité en milieu basique, ce qui a pour effet de déplacer l'équilibre dans le sens de la formation de l'aldéhyde et l'ion cyanure parents. Rappelons en effet que les hydroxy-nitriles ne sont pas stables en milieu basique.
La transposition de Beckmann est une réaction d'isomérisation d'une oxime en amide.
Hydrazones En présence d'un excès de phénylhydrazine, la réaction se poursuit. Le fait que la réaction se limite à deux atomes de carbone est dû à la stabilisation de l'osazone par une liaison H intramoléculaire. La dinitro-2,4-phénylhydrazine (en abrégé 2,4-DNPH ou 2,4-DNP) est obtenue par substitution nucléophile aromatique de l'hydrazine sur le 1-chloro-2,4-dinitrobenzène. On l'utilise généralement en solution dans un mélange de
méthanol et d'acide sulfurique (réactif de Brady). Ce réactif réagit encore plus facilement que la phénylhydrazine avec la plupart des aldéhydes et des cétones. On obtient une dinitro-2,4-phénylhydrazone facile à purifier. La couleur du précipité dépend de la nature du composé carbonylé de départ et s'échelonne du jaune au rouge. Notons que comme tous les composés nitré, la 2,4-DNPH est instable et sensible aux chocs.
L'hydrazine réagit avec les composés carbonylés pour donner des hydrazones.
Compte tenu de la façon dont se déroule la transformation, le D-glucose, son épimère le D-mannose, mais aussi leur isomère cétonique le D-fructose, conduisent à la même phénylosazone.
Quelques gouttes du composé carbonylé sont ajoutés à une solution de 2,4-DNPH dans un mélange d'acide sulfurique et de méthanol. Cette manière de procéder permet d'éviter
la dissolution de la 2,4-dinitrophénylhydrazone formée dans un excès de composé carbonylé. La couleur du précipité dépend de la nature du composé carbonylé de départ :
L'alkylation diastéréosélective d'hydrazones de composés carbonylés est à la base d'une méthode de synthèse diastéréosélective due à D. Enders.
Les phénylhydrazones substituées subissent une cyclisation à chaud en présence d'un acide de Lewis pour conduire aux dérivés de l'indole selon un processus général connu sous le nom de synthèse des indoles de Fischer.
Réaction de Bamford-Stevens Réactions d'oxydo-réduction
En présence de bases très fortes comme des alcoolates, notons que les tosylhydrazones peuvent être converties en composés éthyléniques grâce à la réaction de Bamford-Stevens [86].
Réduction en alcool
Composé carbonylé |
méthanal |
éthanal |
cétones |
Classe d'alcool |
primaire |
secondaire |
tertiaire |
Liaison |
DrH0 (kJ.mol-1) |
T (°C) |
P (bar) |
C=C |
- 50 |
25 |
1 |
C=O |
- 125 |
80-200 |
5-30 |
On peut ainsi réaliser des hydrogénations sélectives de doubles liaisons éthyléniques en présence d'un groupe carbonyle.
Réduction par les métaux Le composé de stéréochimie trans I est majoritaire. Avec les cétones aromatiques, le radical radical cétyle possède une durée de vie assez
grande dans un solvant aprotique comme le THF, pour pouvoir être observé. Ainsi lorsqu'on ajoute du sodium dans une solution de benzophénone dans le THF
La réduction des composés carbonylés par les métaux dans un solvant donneur de protons comme l'éthanol est connue depuis
très longtemps. Appliquée aux composés cycliques, elle présente l'avantage d'être stéréosélective.
Le mécanisme fait intervenir des étapes de transfert monoélectronique et la formation d'anions-radicaux.
Cette réaction est mise à profit dans le séchage des éthers.
Réduction de Meerwein-Ponndorf-Verley
La réduction de Meerwein-Ponndorf-Verley constitue une méthode de réduction douce des composés carbonylés. Elle procède d'un transfert d'hydrure
d'un alkoxyde primaire ou secondaire. On utilise le plus souvent l'isopropylate d'aluminium qui est commercial. L'atome d'aluminium est un acide de Lewis qui permet la formation d'un complexe
avec l'atome d'oxygène du carbonylé ce qui favorise la formation d'un état de transition à 6 centres de type Zimmerman-Traxler [70].
Utilisation d'hydrures complexes
Les réactions correspondantes ont été examinées dans la partie consacrée aux additions nucléophiles
des ions hydrures.
Réduction par l'alpine borane
L'alpine borane (réactif de Midland) ou le chloroborane de Brown sont des réactifs chiraux appartenant à la famille des hydrures de bore neutres (tout comme BH3 ou le DIBAL pour les hydrures d'aluminium). Ils permettent des réductions énantiosélectives de composés carbonylés. Ces réactions sont abordées dans le chapitre consacré à la stéréochimie dynamique.
Réduction de Corey-Bakshi-Shibata
Il s'agit de la réduction en alcools par le monoborane dans le THF de composés carbonylés en présence d'une oxazaborolidine comme catalyseur. Si le substrat de départ possède un groupe carbonyle dont les faces sont énantiotopiques, on obtient préférentiellement l'un des deux énantiomères possibles. Il s'agit donc d'une catalyse énantiosélective. Le temps de réaction est court à la température ordinaire. Le rendement et l'excès énantiomérique sont généralement très bons.
R R : Ph, b-naphtyl La réaction a été mise à profit pour réaliser le dédoublement cinétique de mélanges racémiques. Réduction duplicative
R' : H, Me, nBu.
Couplage pinacolique
Lorsque les conditions sont réunies pour que les radicaux aient une durée de vie suffisante,
on peut observer un couplage. Après hydrolyse, on obtient un glycol bitertiaire encore appelé pinacol. Le magnésium est efficace dans ce genre
de réaction car il permet le rapprochement de deux molécules dans l'état de transition.
Avec la propanone comme composé carbonylé, on obtient le 2,3-diméthylbutane-2,3-diol (pinacol).
En milieu acide ces glycols subissent une réaction de transposition connue sous le nom de transposition pinacolique.Couplage de Mc Murry
On observe des réactions de couplage du même type en utilisant un halogénure de titane et un métal. Dans la réaction de Mc Murry, on utilise du trichlorure de titane réduit par le couple Zn/Cu (titane basse valence). Elle
permet la fermeture de cycles suffisamment grands [42].
Elle a été mise à profit dans plusieurs
synthèses récentes de composés complexes. L'exemple suivant concerne une étape de la synthèse du taxol par K. C. Nicolaou.
Pour un exemple de réalisation expérimentale voir [28].
Un autre exemple concerne le couplage de deux molécules d'adamentanone conduisant à l'adamentylidèneadamentane [76].
Réduction du carbonyle en méthylène
Désulfuration des thiocétals
Une réaction extrêmement utile pour réduire le groupe carbonyle en méthylène fait intervenir un thiocétal comme intermédiaire. Ce dernier est préparé
en traitant le composé carbonylé par l'éthanedithiol en présence d'un acide de Lewis.
L'avantage de cette réaction par rapport aux réductions classiques de Clemmensen ou de Wolff-Kishner est de se faire en milieu neutre.
Réaction de Clemmensen Voici deux exemples d'application de cette réduction. Réduction de Wolff-Kishner Ce mode de réduction est réservé aux molécules suffisamment résistantes, à température élevée, en milieu basique. L'utilisation de tBuOK, dont la basicité est exaltée par un solvant dipolaire aprotique comme le DMSO,
permet de réaliser la réaction d'élimination dans des conditions moins énergiques sur le plan thermique. L'exemple suivant concerne une étape de la synthèse du grandisol, une phéromone sexuelle d'un charançon de la graine du coton (G. Stork 1974) [80]. La force motrice de la réaction est l'élimination d'une molécule de diazote très stable. Un exemple de protocole expérimental est donné à la référence [29]. Oxydation
La réaction consiste à traiter le composé carbonylé par un amalgame de zinc en milieu acide, à chaud.
Les électrons sont fournis par le métal. L'acide joue le rôle de réactif protogène.
La réaction de Wolff-Kishner constitue une alternative intéressante à la réduction de Clemmensen pour les
molécules instables en milieu acide. Dans un premier temps on commence par faire réagir le composé carbonylé avec
l'hydrazine. L'hydrazone formée subit ensuite une réaction d'élimination de diazote par traitement basique.
La modification de Huang-Minlon consiste à utiliser le diéthylène-glycol (DEG) comme solvant. Sa température d'ébullition est élevée (200 °C) car il se forme des liaisons hydrogène intermoléculaires.
L'équation de la réaction s'écrit :
Aldéhydes L'acide hexane-1,6-dioïque encore appelé adipique, sert dans la synthèse du nylon-6,6.
Oxydation de Baeyer-Villiger
Les aldéhydes sont des composés très réducteurs. Ils peuvent être oxydés par des oxydants doux. Les réactions
suivantes utilisent des complexes d'ions métalliques en milieu basique. Elles sont surtout utilisées comme test analytique dans la chimie des sucres.
En présence d'acide métachloroperoxybenzoïque (m-CPBA) ou d'un mélange d'eau oxygénée et d'acide éthanoïque, la butan-2-one conduit à l'éthanoate d'éthyle.
t-alkyle > s-alkyle > phényle > n-alkyle > CH3
Du point de vue stéréochimique, lorsque le problème se pose, l'insertion de l'atome d'oxygène s'effectue avec une rétention complète de la configuration. C'est la raison pour laquelle la réaction de Baeyer-Villiger a souvent été utilisée comme étape clé dans la synthèse de molécules complexes ; en série bicyclique notamment. La réaction suivante est une étape de la synthèse de la prostaglandine PGF2a par E. J. Corey en 1970.
La cyclobutanone de départ est obtenue par cycloaddition entre un composé éthylénique et un cétène. L'oxydation de la cyclohexanone par l'acide péracétique permet la préparation de la caprolactone. Le traitement de cette lactone par l'ammoniac à haute température et à haute pression est une méthode de synthèse industrielle (Union Carbide) du caprolactame.En présence d'un catalyseur chiral, la réaction peut être rendue énantiosélective. Elle permet le dédoublement cinétique dynamique d'un mélange racémique de cétones énantiomères.
Réactions au voisinage du carbonyle
Plus généralement, l'équilibre de tautomérie céto-énolique se traduit par le schéma suivant.
L'étape d'énolisation, commune aux réactions précédentes constitue l'étape cinétiquement déterminante ce qui explique les résultats expérimentaux précédents. L'énolisation est une manifestation de la mobilité de l'atome d'hydrogène porté par l'atome de carbone en a du groupe carbonyle. Le taux d'énolisation dépend du composé carbonylé, de la température et du solvant. Il est très faible pour les aldéhydes et les cétones simples mais la présence de l'énol en équilibre avec le composé carbonylé, joue souvent un rôle essentiel dans de nombreuses réactions.
Plusieurs méthodes parmi lesquelles la spectroscopie dans l'uv - visible et la spectroscopie de RMN permettent de déterminer
le pourcentage d'énol présent à l'équilibre. Le spectre ci-dessous est celui de la pentan-2,4-dione.
On note la présence de deux familles de pics de déplacements chimiques différents :
La base qui a servi de catalyseur est régénérée.
La préparation et la structure des énolates sont étudiées ci-dessous.
Le tableau ci-dessous regroupe quelques valeurs expérimentales. Certaines particularités structurales peuvent expliquer un pourcentage d'énol élevé.
Composé carbonylé |
% d'énol à l'équilibre |
éthanal |
10-4 |
propanone |
10-6 |
pentane-2,4-dione |
76 |
cyclohexane-1,2-dione |
100 |
cyclohex-2,4-diène-1-one |
100 |
Orbitales moléculaires de l'éthénol
aC |
aO |
bC-O |
a |
a + 2,1 b |
0,66 b |
Orbitale moléculaire |
Energie |
j 3 = - 0,67 c 1 + 0,72 c 2 - 0,15 c 3 |
E3 = a - 1,07 b |
j 2 = 0,72 c 1 + 0,61 c 2 - 0,32 c 3 |
E2 = a + 0,84 b |
j 1 = 0,14 c 1 + 0,33 c 2 + 0,93 c 3 |
E1 = a + 2,32 b |
Les atomes de carbone contribuent chacun pour un électron tandis que l'oxygène en apporte deux. Il y a au total 4 électrons. La plus haute om occupée est donc j 2, tandis que plus basse om vacante est
j 3. Une conséquence de la tautomérie céto-énolique : l'épimérisation en C2 des aldoses
L'énol a une réactivité nucléophile via la plus haute orbitale moléculaire occupée. La réaction avec un électrophile s'effectue
préférentiellement au niveau de l'atome qui possède le plus grand coefficient dans cette orbitale. Il s'agit donc de l'atome de carbone
1.
Réactions des énolates
L'énolisation baso-catalysée des composés carbonylés met en jeu un ion énolate, mais la quantité d'énolate est très faible. Une base comme l'ion hydroxyde peut alors convenir. Il suffit d'une très faible quantité de base car celle-ci est régénérée. La situation est complètement différente si l'on veut synthétiser un énolate à des fins préparatives dans le but, par exemple, de l'alkyler. La réaction doit cette fois être quantitative. Le tableau suivant regroupe quelques valeurs numériques pour les pKa des couples acido-basiques carbonylé/énolate. On notera un accroissement très important (20 unités de pKa) quand on passe du méthylpropène à la propanone. La mobilité de l'atome d'hydrogène en a du carbonyle s'interprète par l'effet attracteur de ce dernier. L'état final est stabilisé du fait de la conjugaison plus ou moins élevée dans l'énolate.
Composé |
pKa (couple) |
2-méthylpropène |
45 |
propanone |
25 |
acétophénone |
16 |
pentane-2, 4-dione |
9 |
Une dicétone comme la pentane-2,4-dione (acétylacétone : en abrégé acac) dont l'énolate est fortement stabilisé par résonance, est déprotonée de façon quantitative par la soude aqueuse mais ce cas est relativement exceptionnel.
La propanone peut être déprotonée de façon quantitative par des bases plus fortes en milieu non aqueux. Le diisopropylamidure de lithium (LDA), les hydrures de sodium ou de potassium, sont couramment utilisés. En revanche, on n'utilise pas de base nucléophile comme le butyllithium car il y a une addition nucléophile concurrente sur le groupe carbonyle.
Les atomes d'hydrogène en a d'autres fonctions sont susceptibles d'être arrachés par des bases. On obtient ainsi des ions énolate ou apparentés à partir des fonctions suivantes :
La chimie des énolates a une grande importance en synthèse car elle permet la création de nouvelles liaisons carbone-carbone.
La pentane-2,4-dione (acétylacétone en abrégé acac) fournit des complexes avec deux nombreux cations métalliques. Avec le cuivre (II), on obtient [Cu (acac)2] de couleur bleue (photo de gauche). Ce composé est utilisé comme catalyseur dans les réaction de transfert de carbènes. Le complexe avec le cuivre (I) [Cu(acac)]est un catalyseur des réactions de Michael |
Orbitales moléculaires de l'ion éthénolate
aC |
aO |
bC-O |
a |
a + 0,97 b |
1,06 b |
Orbitale moléculaire |
Energie |
j 3 = - 0,58 c 1 + 0,74 c 2 - 0,35 c 3 |
E3 = a - 1,28 b |
j 2 = - 0,75 c 1 - 0,30 c 2 + 0,60 c 3 |
E2 = a + 0,41 b |
j 1 = 0,33 c 1 + 0,60 c 2 + 0,73 c 3 |
E1 = a + 1,84 b |
Les atomes de carbone contribuent chacun pour un électron tandis que l'oxygène en apporte deux. Il y a au total 4 électrons. La plus haute om occupée est donc j 2, tandis que plus basse om vacante est
j 3.
La charge électronique qm de l'atome m, est définie (en unités électroniques) par :
Q1 |
Q2 |
Q3 |
-0,33 |
0,09 |
-0,76 |
Enolate cinétique, énolate thermodynamique
Quelles sont les conditions permettant de favoriser l'un ou l'autre des deux contrôles ? Voici quelques résultats expérimentaux :
Conditions de la réaction |
I |
II |
Cétone additionnée à un excès de base |
28 |
72 |
Excès de cétone additionnée à la base |
78 |
22 |
La présence d'un excès de cétone favorise la formation de l'énolate le plus stable par échange de protons.
Base (B) / Solvant (S) |
I |
II |
LDA/DME |
1 |
99 |
Et3N/DMF |
78 |
22 |
La déprotonation cinétiquement contrôlée est favorisée par une base très forte comme le diisopropylamidure de lithium (LDA), un solvant dipolaire aprotique. Il faut ajouter à cela qu'une température très basse ralentit la mise en équilibre entre les énolates.
Ethers d'énols silylés
Un moyen pour piéger l'énolate cinétique consiste à le faire réagir avec le chlorure de triméthylsilyle le rendement de la réaction suivante est de 95 %.
Le clivage de l'éther de triméthylsilyle par substitution nucléophile sur le silicium au moyen de méthyllithium permet de régénérer l'énol in situ. Cette réaction
est possible grâce à l'énergie exceptionnellement grande de la liaison Si-F (582 kJ.mol-1).
Les éthers d'énols silylés sont utilisés dans la bromation et l'alkylation régiosélectives des composés carbonylés.
Les énolates possèdent deux points d'attaque : au niveau de l'atome de carbone et au niveau de l'atome
d'oxygène. Ce sont des nucléophiles ambidents (du latin ambotous : les deux et de dens : la dent). Le pourcentage C-alkylation / O-alkylation dépend de plusieurs facteurs.
Produit |
I |
II |
HMPT (en anglais : HMPA) |
83 |
15 |
tBuOH |
0 |
94 |
Compléments intéressants à la référence [91].
L'alkylation directe des aldéhydes nécessite des précautions particulières en raison de la réaction concurrente de condensation aldolique. L'alkylation des cétones est de loin la plus pratiquée.
Puisque les dicétones sont facilement déprotonées leur alkylation est facile avec un agent alkylant suffisamment réactif. La dialkylation peut être une réaction secondaire génante.
L'alkylation intramoléculaire est une méthode de formation de cycles qui s'effectue avec un bon rendement. Si l'on effectue la réaction entre l'énolate de la cétone et un réactif alkylant on obtient un mélange de produits. Par exemple à partir de la 2-méthylcyclohexanone en se limitant aux produits dialkylés, on aura :L'énolate de la cétone dissymétrique est préparé sous contrôle cinétique. Puis alkylé.
Dans cette étape de la synthèse du longifolène par Oppolzer, l'alkylation de la cétone s'effectue au moyen d'un énolate ne respectant pas la règle de Bredt.
Compléments intéressants à la référence [91].
Condensation aldolique
L'aldolisation est une réaction très importante dans la synthèse des molécules puisqu'elle permet la création d'une nouvelle liaison carbone-carbone. La réaction conduit à un état d'équilibre entre les réactifs et le produit. Elle est renversable. La réaction inverse qui correspond à la coupure d'un aldol s'appelle rétroaldolisation.
Notons que le terme de condensation aldolique (ou condensation aldol) est souvent utilisé dans un sens générique, désignant à la fois l'aldolisation et la cétolisation.
Qu'il s'agisse d'un aldol ou d'un cétol, le groupe OH est séparé du groupe carbonyle par trois liaisons simples. Voici un schéma de rétrosynthèse.
L'aldolisation peut être catalysée en milieu basique ou en milieu acide :La crotonisation de l'aldol peut intervenir sans qu'on puisse isoler l'aldol intermédiaire. C'est le cas si la réaction intramoléculaire conduit à un cycle à 5 ou 6 chaînons.
Lorsque les fonctions aldéhyde proviennent de l'ouverture d'un cycle, la réaction peut servir à une contraction de celui-ci. Cette approche a été mise à profit dans de nombreuses synthèses. Un exemple est fourni par une étape de la synthèse de la cantharidine par G. Stork.Le terme crotonisation se réfère à l'acide E-but-2-énoïque dont le nom usuel est acide crotonique. Cet acide est présent en faible quantité dans l'huile de croton extraite de la graine de Tilly (croton tiglium) un arbuste poussant en Asie.
La réaction de cétolisation est une réaction d'addition entre deux cétones. Elle conduit à un équilibre très défavorable au produit appelé cétol (rendement de l'ordre de 5 %). On peut préparer un cétol en utilisant un extracteur de Soxhlet qui permet de déplacer l'équilibre. Le produit est extrait au fur et à mesure de sa formation au moyen d'un système de vidange, ce qui évite sa décomposition, tandis que le réactif, plus volatil (masse molaire plus faible et pas d'association par liaison hydrogène), est recyclé par chauffage à reflux au fur et à mesure que la réaction progresse. Comme les aldols, les cétols subissent une réaction de crotonisation en milieu acide ou basique pour donner des a-énones.
|
|
Extracteur de Soxhlet. B : corps de l'extracteur ; A : cartouche de carton dans laquelle s'effectue la réaction et contenant de l'hydroxyde de baryum (insoluble dans le milieu réactionnel) ; C : ballon contenant la cétone et servant à recueillir le cétol ; E : tubulure permettant le passage de la vapeur de cétone ; F : siphon permettant la vidange du corps de l'extracteur ; R : réfrigérant.
Rétrocétolisation
Puisque l'équilibre de cétolisation est défavorable au produit, la réaction inverse dite de rétrocétolisation est, au contraire, favorisée. Cette propriété a été utilisée dans de nombreuses synthèses dont certaines sont devenues des classiques.
La réaction suivante, qui est une étape de la synthèse du longifolène par W. Oppolzer, en constitue un exemple.
Notons qu'il existe bien d'autres méthodes pour préparer ce type de composés dicarbonylés 1,4.
Associée à l'addition de Michaël, la condensation aldol est à la base d'une méthode générale de synthèse de cycles appelée annélation de Robinson.
L'aldolisation croisée (en anglais : mixed (crossed) aldol condensation) met en jeu deux composés carbonylés (aldéhyde ou cétone) différents. Si les deux composés sont énolisables on va obtenir en général un mélange complexe de produits de condensation. Entre deux aldéhydes énolisables différents, on s'attend à obtenir quatre produits :
Le dibenzylidène acétone (dba) est un ligand du palladium dans le complexe tris(dibenzylidèneacétone)dipalladium (0). Il s'agit d'un complexe stable à l'air préparé par réduction du PdCl2 en présence de dba suivi d'une recristallisation dans CHCl3.
Au cours de cette réaction CH3OH est oxydé en méthanal HCHO. Le produit commercial est obtenu par traitement par CHCl3 du complexe précédent. Il se présente sous la forme de cristaux de couleur violette de formule Pd2(dba)3-CHCl3 [85].La préparation de la tétraphénylcyclopentadiénone (tétracyclone) s'effectue très facilement en mettant les réactifs à reflux dans l'éthanol en présence d'une base forte. La crotonisation s'effectue spontanément, la force motrice est la formation d'un produit très conjugué [77].
Ces réactions peuvent être mises à profit, pour agrandir un cycle. Un exemple est fourni par W. S. Johnson de l'université de Stanford dans la dernière étape d'une synthèse mémorable de la progestérone (1976).
L'ozonolyse de la double liaison permet de former deux fonctions cétones à partir de la double liaison éthylénique de départ.
La cétolisation suivie d'une crotonisation permet la cyclisation.
La réaction ci-dessous à permis à Prelog de synthétiser le premier composé bicyclique ne respectant pas la règle de Bredt [83].
La réaction suivante constitue une étape de la synthèse de l'acide lysergique par R. B. Woodward (1956) [81].
Dans le cas où le composé carbonylé n'est pas symétrique, deux ions énolate peuvent se former. Considérons la transformation suivante.
Examinons les deux ions énolate possibles issus de la déprotonation de la cétone.
Si l'on veut obtenir le produit cherché il est indispensable de faire réagir (C) qui résulte d'un contrôle cinétique de la réaction.
Diastéréosélectivité dans la réaction aldol
|
|
||
syn |
syn |
anti |
anti |
Du point de vue synthétique, la stéréosélectivité de cette réaction pose un double problème :
Modèle d'état de transition de Zimmerman-Traxler
Ces résultats peuvent être rationnalisés en utilisant le modèle d'état de transition de Zimmerman-Traxler [70]. Dans ce modèle d'état de transition "fortement lié", les atomes adoptent une conformation chaise.
Deux exemples sont représentés ci-dessous avec : R1 = CH3, R2 = CH3 et M+ = Li+. L'état de transition (II) est défavorisé par rapport à (I) du fait de l'interaction entre R1 et R2 situés en position axiale.
L'état de transition (I) favorisé : pas d'interaction diaxiales entre les groupes les groupes R1 et R2 |
L'état de transition (II) défavorisé : interactions diaxiales entre les groupes les groupes R1 et R2. |
Comme l'arrangement des atomes dans I est chiral, il faut de plus tenir compte de la formation de deux états de transition énantiomères équiprobables.
Au premier correspond l'un des aldols de la paire syn. Au second correspond l'autre énantiomère.Une analyse en tout point comparable à la précédente peut être faite lorsque l'énolate possède une configuration E.
Deux exemples sont représentés ci-dessous avec : R1 = CH3, R2 = CH3 et M+ = Li+.
Etat de transition (I) favorisé : pas d'interaction diaxiales entre les groupes R1 et R2 |
Etat de transition (II) défavorisé : interactions diaxiales entre les groupes R1 et R2 |
Ces états de transition fournissent les aldols de la paire anti.
Le modèle précédent d'état de transition cyclique requiert un atome du type Li, B, Ti, Sn permettant la coordination.
On notera que dans les réactions précédentes, il n'y a aucun contrôle de la configuration absolue puisque les formations d'états de transition énantiomères sont équiprobables. On obtient donc un mélange racémique d'aldols énantiomères.
Obtention d'énolates de lithium Z et E
Base |
Enolate Z |
Enolate E |
LHMDS |
66 |
34 |
LDA |
33 |
77 |
LTMP |
14 |
86 |
Les valeurs de ce tableau montrent que :
Pour une base donnée, on peut aussi s'intéresser à l'influence d'une augmentation de l'encombrement des substituants du substrat. Avec le LDA à -78 °C (THF), on obtient les résultats suivants avec différents groupements R1.
R1 |
Enolate Z |
Enolate E |
-OtBu |
5 |
95 |
-Et |
23 |
77 |
-CH(CH3)2 |
60 |
40 |
-C(CH3)3 |
100 |
0 |
Ces résultats peuvent être rationalisés en utilisant le modèle d'Ireland [73].
Les résultats précédents sont valables dans le THF. L'utilisation d'un cosolvant fortement donneur comme le HMPA peut modifier complètement la sélectivité. Dans ce cas, le modèle de l'état de transition fortement lié n'est plus valable. Les résultats sont plus difficiles à rationaliser.
Base |
Enolate Z |
Enolate E |
LTMP |
14 |
86 |
LTMP (HMPA) |
92 |
8 |
Obtention d'énolates de bore Z et E
Les énolates de bore peuvent en général être obtenus avec de très bons rendements et d'excellentes diastéréosélectivités [67].
Le rapport Z/E > 97 : 3.
Notons qu'à la différence d'une liaison Li-O qui est facilement hydrolysée la liaison B-O nécessite un clivage oxydant par une solution alcaline d'eau oxygénée.
Il y a de très intéressantes informations sur les énolates de bore et leur utilisation en synthèse aux références [69] et [70].Halogénation
La réaction entre une cétone et le dibrome dans l'acide acétique conduit à une cétone a bromée. Dans ce milieu acide, la réaction peut être arrêtée au stade de la monobromation.Lorsque deux dérivés bromés peuvent être formés, on observe que la réaction est régiosélective. L'halogénation a lieu préférentiellement sur l'atome de carbone le plus substitué.
La réaction peut également avoir lieu en milieu basique mais dans ce cas il n'est généralement pas possible de s'arrêter au stade de la monobromation.
L'halogénation des cétones a fait l'objet d'études cinétiques approfondies. On observe qu'elle est indépendante de la nature et de la concentration du dihalogène. De plus la vitesse d'halogénation d'une cétone chirale qui possède un atome de carbone asymétrique situé en a du carbonyle est égale à sa vitesse de racémisation. Cela montre qu'il existe un intermédiaire commun à ces différentes réactions. Il s'agit de l'énol en milieu acide et de l'ion énolate en milieu basique.La réaction ci-dessous est extraite de la synthèse de l'acide lysergique (R. B. Woodward, 1956) [81].
Dans cette synthèse, comme dans beaucoup d'applications, le dibrome peut être remplacé par le tribromure de pyridinium (PBP) beaucoup plus facile à manipuler.
Les composés carbonylés a-halogénés, constituent souvent de très bons substrats pour les réactions de substitution nucléophile SN2 en raison de la mobilité du brome. Dans l'exemple précédent, l'intermédiaire ainsi préparé subit facilement une réaction d'alkylation d'Hofmann permettant l'introduction d'une chaîne latérale sur le cycle.
La réaction peut aussi servir de test des carbonylés a-méthylés. Dans ce cas, I2 qui est solide à la température ambiante, est le plus pratique.
L'image de gauche représente un test à l'iodoforme. Compte-tenu de la masse molaire élevée de CHI3 (394 g.mol-1), on commence par dissoudre plusieurs grammes d'iode dans une solution concentrée de soude. Dans ce milieu fortement basique, I2 se dismute en I- et IO3- ce qui se traduit par la décoloration du mélange.
On ajoute alors quelques gouttes de composé carbonylé, ici de la propanone. On voit se former rapidement un abondant précipité de CHI3 de couleur blanc-jaunâtre.
Cette manière de procéder permet d'éviter que l'iodoforme ne se dissolve dans un excès de composé carbonylé.
(La tache brune au fond du tube est due à une petite quantité de diiode non dissous.)
La transposition de Favorskii a été utilisée avec profit dans la préparation de composés possédant des cycles contraints ou délicats à former comme ceux du cubane.
La transposition des a, a'-dibromocétones suivie d'une oxydation puis d'une décarboxylation, est connue sous le nom de réaction de Wallach. Elle permet de passer d'une cycloalcanone à une autre dont le cycle comporte un atome de carbone de moins. Il s'agit donc d'une réaction de rétrohomologation des cétones cycliques.
Pour aller plus loin (en ligne) dans ce chapitre voir notamment la référence [67].
Bibliographie
[1] Manuel d'expériences de chimie - UNESCO Société chimique de France - Université de Montpellier.
[2] P. Rendle, M. V. Vokins, P. Davis, Experimental Chemistry (Edward Arnold).
[3] L. F. Fieser, K. L. Williamson - Organic Experiments (D. C. Heath and Company).
[4] R. Adams, J. R. Johnson, C. F. Wilcox - Laboratory Experiments in Organic Chemistry (The Macmillan Company, Collier-Macmillan Limited).
[5] G. K. Helmkamp, H. W. Johnson Jr, Selected Experiments in Organic Chemistry (W. H. Freeman and Co).
[6] Vogel's Textbook of Practical Organic Chemistry (Longman).
[7] J. R. Mohrig, D. C Neckers, Laboratory Experiments in Organic Chemistry (D. Van Nostrand Company).
[8] R. Q. Brewster, C. A. Van der Werf, W. E. Mc Ewen, Unitized Experiments in Organic Chemistry (D. Van Nostrand Company).
[9] F. G. Mann, B. C. Saunders, Practical Organic Chemistry (Longman).
[10] M. T. Yip, D. R. Dalton, Organic Chemistry in the Laboratory (D. Van Nostrand Company).
[11] Journal of Chemical Education, Vol 55, Number 12, December 78.
[12] S. Hünig, E. Lücke, W. Brenninger, Organic Syntheses.
[13] J. March - Advanced organic chemistry, Wiley Interscience.
[14] F. A. Carey, R. S. Sunberg - Advanced Organic Chemistry, Plenum Press 1990.
[15] N. T. Anh - Introduction à la chimie moléculaire, Ellipses 1994.
[16] M. B. Smith, Organic Syntheses, University of Connecticut.
[17] P. Laszlo - Logique de la synthèse organique. Cours de l'Ecole Polytechnique, Ellipses, 1993.
[19] P. Atkins - General Chemistry, Scientific American Books W. H. Freeman and Co.
[20] J. Koolman, K. H Röhm - Atlas de biochimie, Médecine & Sciences, Flammarion.
[21] A. Streitwieser Jr, C. H. Heathcock - Introduction to Organic Chemistry, Macmillan Publishing Co.
[22] W. Green, P. G. M. Wuts, Protective Groups in Organic Synthesis, Wiley-Interscience, New York, 1999.
[92] P. Chaquin, F. Volatron, Chimie organique : une approche orbitalaire de Boeck 2015
[23] Protecting groups Organic chemistry portal
[24] H. E. Fischer - The Nobel prize in chemistry 1902
[25] Ring contraction via a Favorski-type rearrangment : cyclo-undecanone by J. Wohllebe and E. W. Garbisch Jr.
[26] Wittig olefination A. G. Myers
[27] Acrolein acetal by J. A. Van Allan
[28] Mc Murry coupling Organic chemistry portal
[29] Wolff-Kishner reduction Organic chemistry portal
[30] Favorskii rearrangement Organic chemistry portal
[31] G. Wittig The Nobel Prize in Chemistry 1979
[32] 2-Naphtoïc acid by M. S. Newman and H. L. Holmes
[33] Methylencyclohexane by G. Wittig and U. Schoellkopf
[34] Methylencyclohexan oxide by E. J. Corey and M. Chaykovsky
[35] Baeyer-Villiger Oxidation Organic chemistry portal
[36] Assymetric hydrogenation of 3-oxo carboxylate using BINAP-ruthenium complexes by M. Kitamura, M. Tokunaga, T. Ohkuma and R. Noyori
[37] Ethyl cyclohexylideneacetate Horner-Wadsworth-Emmons reaction by W. S. Wadsworth, Jr. and William D. Emmons
[38] Stereoselective Alkene Synthesis : 6-methyl-6-dodecene (Peterson olefination) by Anthony G. M. Barrett, John A. Flygare, Jason M. Hill, and Eli M. Wallace
[39] Wittig-Horner reaction Experimental procedure ; phase transfert catalyst
[50] Strecker synthesis a-aminoisobutyric acid by H. T. Clarke and H. J. Bean
[51] Meerwein-Ponndorf-Verley reduction, trichloroethyl alcohol by Reynold C. Fuson and H. H. Hully
[55] The Wittig reaction by R. Wipf (mise au point très complète sur la réaction de Wittig : mécanisme, stéréochimie et applications en synthèse.)
[57] The Wittig reaction with Pyridylphosphoranes by U. Schröder and S. Berger
[60] Cyclohexylcarbinol by Henry Gilman and W. E. Catlin.
[61] Triphenylcarbinol by W. E. Bachmann and H. P. Hetzner.
[62] Reductive clivage of vinyl phosphorodiamidates by Robert E. Ireland, Thomas H. O'Neil, and Glen L. Tolman
[63] 3-b-acetoxyetienic acid by J. Staunton and E. J. Eisenbraun
[64] Total Synthesis of progesterone by W. S. Johnson
[65] Nomenclature en chimie inorganique Ions, groupes, substituants et sels. Par Y. Jeannin et E. Samuel.
[66] 2-méthylundécanal by Simon Cotton
[67] Carbonyl Chemistry Enolate Formation by Prof. Burkhardt Konig
[68] From Diyls to Ylides to my Idyll - Nobel Lectures G. Wittig
[69] Enolate chemistry Résumé sur les énolates du bore, (extrait du cours de H. J. Reich University of Wisconsin
[70] Z(O,R)-enolates and E(O,R)-enolates Pr. Ari Koskinen, Helsinky, University of Technology.
[75] Camphor as a natural source of chirality in assymetric syntheses by Wolfgang Oppolzer, Université de Genève.
[76] Reductive coupling of carbonyls to alkenes by Michael P. Fleming and John E. Mc Murry
[77] Tetraphenylcyclopentadienone by John R. Johnson and Oliver Grummitt.
[78] Mistakes, mysteries and errors in chemistry visualization
[90] Réduction de Corey Bakshi Shibata by Nilanjana Majumnar
[91] Chimie des énols et des énolates Université d'Ottawa
[40] D. Seebach, Synthesis, 1969, 17.
[41] Corey, E. J.; Chaykowsky, M.; J. Am. Chem. Soc., 1965, 87, 1353.
[42] Mc Murry, J. E.; Fleming, M. P.; J. Am. Chem. Soc., 1974, 96, 4708.
[43] H. B. Bürgi, J. D. Dunitz, J. M. Lehn, G. Wipff.; Tetrahedron., 1974, 30, 1563.
[44] Wittig, G.; Geissler, G. Ann., 1953, 580, 44.
[45] L. Horner et al., Ber. 91, 61 (1958); idem et al., ibid. 92, 2499, 1959.
[46] W. S. Wadsworth, Jr., W. D. Emmons, J. Am. Chem. Soc. 1961, 83, 1733.
[47] D. J. Peterson, J. Org. Chem. 33, 780, 1968.
[48] M. Schlosser, K. F. Christmann, Angew. Chem. 1966, 78, 115.
[49] Wittig and Pommer, German Patent 954, 247 (1956), CA 53, 2279, 1959.
[52] H. J. Bestmann, O, Vostrowsky, H. Paulus Tetrahedron Lett., 1977, 121.
[53] J. E. McMurry, J. C. Isser, J. Am. Chem. Soc. 1972, 94, 7132.
[56] E. Vedejs, K. A. J. Snoble, J. Am. Chem. Soc., 1973, 95, 5778-5780.
[58] E. Vedejs, J. Am. Chem. Soc.
1990, 112, 3905
[59] P. J. Kocienski, Tetrahedron Lett., 1979, 2649.
[70] H. E. Zimmerman, M. D. Traxler, J. Am. Chem. Soc. 1957, 79, 1920 1923.
[71] J. Ahman, T. Jarevang, P. Simfai, J. Org. Chem 1996, 61, 8148-8159.
[72] A. E. Arbuzov, J. Russ. Phys. Chem. Soc. , 38, 687 (1906).
[73] R. E. Ireland, J. Am. Chem. Soc. 1976, 98, 2868.
[74] C. Barsu, Correction de l'agrégation externe de chimie 2006, BUP N° spécial 819.
[79] Eisenstein O., Volatron J. Wittig vs Corey-Chaykovsky Reaction. J. Am. Chem. Soc. 1987, vol. 109, n° 1, p 1-14.
[80] Stork, G. ; Cohen, J. F. J. Am. Chem. Soc. 1974, 96, 5270.
[81] R. B. Woodward et al., J. Am. Chem. Soc., 76, 5256 (1954) ;. 78, 3087 (1956)
[82] Asymmetric synthesis of bicyclic intermediates of natural product chemistry Zoltan G. Hajos, David R. Parrish J. Org. Chem. 1974; 39(12); 1615-1621.
[83] V. Prelog, J. Chem. Soc, 1950. 420.
[84] Corey, E. J.; Bakashi, R. K.; Shibata, S. JACS 1987, 109, 7925
[85] T. Ukai, H. Kawazura, Y. Ishii, J. J. Bennett, and J. A. Ibers, J. Organomet. Chem., 65, 253 (1974).
[86] W. R. Bamford and T. S. Stevens
J. Chem. Soc., 1952, 4735-4740
[87] A. Wohl, Ber. 26, 730 (1893); 32, 3666 (1899)
[88] The first reported evidence of single electron transfer in the 1,2-addition of primary Grignard reagents to ketones. E.C. Ashby, J. Bowers, Robert Depriest Tetrahedron letters, Volume 21, Issue 37, Pages 3541-3542 (1980)
Vous pouvez, si vous le souhaitez, utiliser le contenu de cette page dans un but pédagogique et non commercial.
Texte, dessins, photographies : Gérard Dupuis - Lycée Faidherbe de LILLE
novembre 2016